FINANCES - 2 500 milliards Cfa obtenus depuis
2000 : En huit ans, le Sénégal a reçu plus d’argent qu’en 40 ans
Depuis l’avènement de l’Alternance en 2000,
l’argent coule à flots au Sénégal. Au total, plus de 2500 milliards Cfa sont
entrés dans les caisses de l’Etat, sous forme de dette ou d’aide
internationale. C’est beaucoup plus que ce dont a bénéficié le Sénégal pendant
les règnes de Senghor et Diouf réunis. La révélation en a été faite, par le
Professeur Arouna Ndoffène Diouf de l’Université de Caroline du Nord, au
Etats-Unis, lors d’une conférence tenue samedi à Paris.
Wade et son régime ont l’habitude de clamer haut et fort qu’ils
ont réalisé, en huit ans «seulement», beaucoup plus de choses que les
socialistes en quarante ans de règne. Ils ne se seraient pas trompés s’ils
ajoutaient que le Sénégal n’a jamais été autant «assisté» depuis l’avènement de
l’Alternance. En effet, depuis 2000, le Sénégal fait figure d’un pays en
perpétuelle quête d’argent. Et cette boulimie financière, avec les scandales qui
vont avec, a inspiré le Pr Arouna Ndoffène Diouf de l’Université de Caroline du
Nord, qui est allé jusqu’à y consacrer de longues nuits blanches.
Invité par le Club Socialisme et République pour faire partager
ses recherches, il a tenu une conférence publique sur le thème : «La
transparence des finances publiques au Sénégal». C’était samedi à l’Université
Sorbonne-Panthéon de Paris.
Dès son arrivée au pouvoir, «le seul objectif du Président Wade
était de se bâtir un empire financier», fait remarquer le responsable des
programmes à l’Université de Caroline du Nord, aux Etats-Unis. Qui ajoute que,
au soir du 19 mars 2000, les Sénégalais ne se rendaient pas compte qu’ils
venaient d’élire «le plus grand stratège politique et manipulateur financier de
son temps». L’Universitaire, qui est par ailleurs leader d’un mouvement
dénommé, «L’Alternative citoyenne» se fonde sur le fait que le successeur de
Diouf, aussitôt installé, «rentra immédiatement dans le jeu des emprunts». Il
fera donc «exactement» comme son prédécesseur qui, au crépuscule de son
magistère, bénéficiait à nouveau des largesses des bailleurs, grâce notamment
au plan mis en place par son technocrate de Premier ministre, Mamadou Lamine
Loum. Même si, faut-il le souligner, lors de ses quatre premières années au
pouvoir, le nouvel homme fort du pays «amassa 2,5 fois autant d’argent que ses
deux prédécesseurs Senghor et Diouf ont eu en quarante ans».
Se fondant sur des documents de la Banque mondiale et d’autres
partenaires au développement, le Professeur Diouf s’est amusé de passer à la
loupe tout ce dont le Sénégal post 2000 a eu à bénéficier de ses bailleurs. Au
total, c’est 2 492 milliards 800 millions de francs Cfa qui sont entrés dans
les caisses de l’Etat, depuis l’avènement de l’ère Wade. 1 828 milliards 750
millions francs Cfa de cette manne proviennent de l’aide internationale
accordée au chef de l’Etat. A titre de comparaison, le registre des prêts
contractés par les trois présidents de l’histoire du Sénégal fait état de 125
prêts et crédits accordés par la
Banque mondiale, entre 1965 et 2003. Ce qui équivaut à 2 500
milliards Cfa, selon le conférencier qui citait le Rapports WB/WDI2003,
Washington.
Le restant des montants qui ont été remis à Wade provient du
solde laissé par Diouf à son départ du Palais. Le nouveau locataire a en effet
bénéficié des prêts qui ont été déjà négociés par l’ancien régime. Tous les
contrats étaient déjà signés. Il ne restait plus qu’à décaisser les sommes. Et
cette enveloppe héritée s’élève à 664 050 000 000 CFA. Ces prêts accordés
antérieurement concernent 18 opérations en cours, financées par l’Agence
de développement internationale (Ida en anglais, pour environ
776,9 millions de dollars), et un solde non décaissé de
541,2 millions de dollars américains (environ 375 milliards de Frs
Cfa). Le montant total de ces prêts est 664 050 000 000 Frs Cfa
Le Ppte le plus assiste
Mais ce ne sont pas uniquement ces aides internationales et
prêts hérités de l’ancien régime qui ont été décaissés par l’actuel chef de
l’Etat. Car, comme le souligne le professeur Diouf, «Me Wade ne se contentera
pas seulement d’hériter des résiduels des dons et prêts légués par son
prédécesseur Abdou Diouf, mais il s’est procuré beaucoup d’argent provenant
d’accords multilatéraux et de pays amis du Sénégal». En effet, dès son
installation, Me Wade a également négocié de nouveaux prêts «au nom de tous les
Sénégalais» pour financer ses «dix Grands Travaux». (Nouvel aéroport
international, autoroute à péage, chemin de fer à écartement standard…). Par
cette croisade financière, Me Wade devient, selon l’universitaire, «le
Président d’un Ppte qui a le plus accumulé d’aides et de prêts, en si peu de
temps, à travers des programmes de financement auprès de créanciers
multilatéraux internationaux et autres pays dans le monde». Dans ce
volet, figure notamment la contribution de l’ancien partenaire taiwanais à qui
Wade tournera le dos plus tard : une dette de 77 milliards de francs Cfa
(obtenu en janvier 2001) pour financer des projets de développement et de décentralisation
pour les autres régions du Sénégal. Sans compter la ligne de crédit de 4
millions de dollars (2 milliards de Frs cfa) pour financer les Pme et Pmi
sénégalais, surtout ceux dans les secteurs de transformation des fruits et
légumes, le textile et la menuiserie.
Au cours de sa conférence tenue dans le cadre d’une tournée
européenne, le Professeur a également rappelé que le Sénégal est le septième
pays le plus pauvre du continent africain (Rapport WDI 2007). Il est aussi
classé dix-septième rang mondial (Rapport FMI/WB 2007), «dépassant seulement
les pays en conflits ou affectés par des guerres civiles tribales».